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MAURIN DES MAURES

« Et lorsqu’à la fin l’idée nous prit de l’appeler pour voir s’il y était encore, — car, bien que l’évasion nous parût chose impossible, nous appelâmes le prisonnier (mais trop tard) pour être en règle avec la prudence, — rien ne répondit. Je voulus me lever pour aller voir : « Non, dit mon camarade, il s’amuse à ne pas nous répondre ou bien il s’est endormi… Nous voyons d’ici la porte qui n’est pas à trente pas et comment veux-tu que par la fenêtre il s’envole ? Il faudrait être pour ça l’âne de Gonfaron lui-même ! » Cette plaisanterie nous fit rire, nous rappelant le tour, drôle tout de même, que joua Maurin aux Gonfaronnais… Cependant quelques minutes après : « Je vais voir, dis-je ; si le bougre s’était tué ? on ne sait pas ! « Nous débarricadons la porte. Rien qu’une bouteille vide et une pierre pas très grosse entortillée plusieurs fois d’une grosse ficelle et attachée au bout d’un bâton qui était droit contre le mur. Nous regardons par la fenêtre : quatre mètres de corde reliaient ce contre-poids aux branches d’un chêne qui est là-dessous… L’oiseau s’était envolé ! Car pour glisser sur ce fil il faut des pattes de picatéoù et des ailes, non pas des pieds et des mains. Alors, nous nous regardâmes, mon collègue et moi, je dois le dire, d’un air plutôt bête que fier et content, et nous regrettâmes ensemble d’avoir accepté son lapin qui, en effet, est cause que si sottement nous avons mal exécuté notre surveillance. »

À ces mots, n’y tenant plus, Tonia qui jusque-là avait pu cacher sa joie, Tonia, ravie et énervée, se mit à rire comme une folle, à rire, à rire autant qu’elle avait pleuré, à rire sans pouvoir s’arrêter.

Sandri se leva, lui jeta un regard féroce et prononça :