Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/401

Cette page a été validée par deux contributeurs.
383
MAURIN DES MAURES

maudit lapin qui fleurait bon et qui nous a fait oublier tout le reste !

— L’homme, reprit Sandri, ne faisait aucun bruit… Nous aurions pu aller le voir plus souvent, c’est vrai, nous aurions pu appeler de temps en temps, — mais toute l’affaire n’a pas duré plus d’un quart d’heure !

Tonia écoutait de toutes ses oreilles.

— Nous aurions pu faire, dit mélancoliquement l’autre gendarme, tout ce que nous n’avons pas fait… Quel lapin !

Orsini crut que le gendarme parlait de Maurin :

— Il faut qu’il vous ait ensorcelé pour que vous fassiez encore son éloge !

— Je l’avoue. Il était cuit et doré à point, avec un bon goût de farigoule à se pourlécher les doigts.

— Ah ! bon ! ce n’est donc pas ce Maurin que vous flattez de cette manière ?

— C’est ce lapin dont nous avons déjeuné… quoique ce soit lui, après tout, la cause de tout le mal. Sans lui, Maurin vous rendrait visite à cette heure en même temps que nous. Car réfléchissez, Sandri, que ce lapin, c’est Maurin qui nous l’avait donné, le vin aussi et tout le reste ; et ce fut, je pense, pour nous endormir dans les plaisirs du manger et du boire. Comment se méfier d’un homme qui si bien vous nourrit quand vous crevez de faim ?

— C’est justement de quoi il fallait se méfier ! dit Orsini.

Tonia écoutait toujours avec la plus grande attention, et elle souriait en silence.

— Nous l’avons reconnu trop tard, confessa Sandri piteusement.