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MAURIN DES MAURES

— Échappé ! disait Orsini en versant à boire. Pas possible ! comment as-tu fait ton compte ? Quand on tient un pareil oiseau, on s’y prend de manière, en l’attachant, qu’il s’étrangle plutôt avec la corde, que de pouvoir s’en tirer !

— Que voulez-vous ? il est rusé comme le plus rusé des renards. Il nous a enjôlés.

Il fallut bien conter l’aventure par le détail.

— Vous comprenez, Orsini, expliquait Sandri avec un visible désir de s’excuser, nous avions faim, beaucoup… Et la faim est une chose qui trouble les idées. Nous ne pensions plus guère qu’à manger. En tout autre moment nous aurions eu à coup sûr plus d’esprit et de malice. Et puis, ce bougre-là, je vous dis, nous avait endormis, par sa manière d’agir. Il semblait désirer en finir avec toutes les menaces qu’on lui fait ; il demandait lui-même les juges pour être jugé, condamné ou pardonné, mais de toute façon débarrassé. C’est ce que je croyais du moins, tant il avait bien su nous le faire croire, oh ! si bien que, tout en mangeant, j’en parlais à mon camarade ici présent, lequel partageait ma façon de voir, comme il vous le certifiera lui-même.

Le collègue de Sandri inclina le menton en signe d’adhésion pour le relever en le faisant suivre de son verre.

— Le diable était donc enfermé dans cette cellule : et par la fenêtre (nous avions bien regardé) il n’était pas possible d’atteindre avec la main les branches du lierre. Cela du moins nous avait semblé ainsi… Celles qui arrivaient près de la fenêtre n’étaient pas plus grosses que des tuyaux de plumes de pigeons… Son carnier, nous avions pensé à le visiter… mais trop tard sans doute.

— Il avait contenu un lapin rôti, dit l’autre gendarme,