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MAURIN DES MAURES

deux bras qu’il écarta aussitôt à deux mains, de toutes ses forces. Et d’une voix lente et calme, mais où l’on sentait d’autant mieux une farouche résolution :

— Il n’y a rien de plus ? interrogea-t-il, il n’y a pas de malheur, dis ?… Si j’apprenais autre chose, misère de moi ! je ne répondrais plus de rien ! Une fille c’est terrible, quand ça veut !… Mais réponds-moi donc, Tonia ! Tonia ! Tonia ! Dis-moi s’il faut que je te tue ? dis-le moi ! Pourquoi pleurerais-tu tant, s’il n’y avait rien d’autre qu’un braconnier arrêté ? Pourquoi pleurerais-tu tant, à l’heure où la prison va faire ce que tu demandais à la Dame des anges, c’est-à-dire te séparer de lui, et éloigner ton esprit d’un homme assez mauvais pour être livré aux juges ? Qui te dit que cela même n’est pas le miracle que tu as demandé ? car c’est miracle d’être enfin parvenu à mettre la main sur ce gibier, — et Sandri pour toi a gagné aujourd’hui ses galons de brigadier !

À mesure que parlait son père, elle sentit tout le péril où elle s’était mise en laissant voir toute sa douleur. Elle essuya doucement ses larmes, faisant, au dedans d’elle-même, un grand effort pour demeurer tranquille ; puis, calmée en apparence :

— Mon père, dit-elle, je ne vous ai plus parlé de lui parce que je me croyais guérie de ma peine ; je n’y pensais plus autant, mais c’est bien vrai que, de nouveau, j’y pense toujours ; bien vrai que si ce Maurin était à la place de Sandri, je serais heureuse sans nul regret ; bien vrai aussi que je suis toujours reconnaissante du service qu’il m’a rendu, et que ce m’est un crève-cœur de savoir un tel homme en prison et qu’on