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MAURIN DES MAURES

de peur que le bruit de la pierre retombant dans la cellule n’attirât l’attention de ses ennemis. Il se jugeait sauvé. Du haut de son arbre il jeta son carnier en bas… Il ne laissait là-haut que sa bouteille vide.

Les gendarmes étaient en train de boire, à même la gourde, son eau-de-vie et, oubliant toute précaution, ils tenaient de joyeux propos, ravis de leur capture, à mille lieues de prévoir leur déconvenue.

En dix minutes, il était loin, Maurin ! Il pensa qu’il fallait virer du côté où n’étaient pas les chevaux des bons gendarmes… Ils avaient dû les laisser sur la route de la cantine. Il fila donc vers Collobrières. — « Pastouré, pensait-il, aura bien deviné qu’il faut aller par là. »

Pastouré, assis dans la grande forêt de châtaigniers, en ce moment mangeait du pain et un oignon trempé dans du sel, au bord d’une fontaine, et tout en gesticulant, disait :

— Je n’entends rien d’aucun côté. C’est pourtant drôle que le mâtin qu’il est leur reste entre les pattes. Ça, non je ne veux pas me le croire ! Je n’ai rien dit mais, comme à l’ordinaire, il m’a compris, le collègue, j’en suis sûr. Il n’est pas, non, la moitié d’un âne ! Moi sans rien lui dire, et lui sans rien me dire, nous nous entendons plus et mieux que les avocats de l’avocasserie, vu que, où nous allons, nous le savons, nous autres. Que je sois son meilleur collègue, on s’en étonne des fois : c’est qu’on n’a pas ouvert ma caboche. On y aurait vu que tout ce qu’il fait, lui, je voudrais, moi, le faire, si je pouvais ! et ne le pouvant pas, j’aide qui le fait. Et qui veut bien faire, fasse comme moi !

Un hululement doux de machotte traversa la forêt humide. Les vieux châtaigniers s’y trompèrent. Un