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MAURIN DES MAURES

solidement une pierre de moyenne grosseur, ficelée en croix, au bout du bâton noueux que lui avait fourni le lierre. À l’autre bout du bâton il amarra ce qui lui restait de sa corde, et il lança au dehors toute la longueur de l’amarre. Puis il fit pendre du rebord de la fenêtre, à l’intérieur, toute la longueur du bâton, assez court pour que, lorsque la corde serait tirée du dehors, la pierre ne touchât point le sol. Et alors il se vit sauvé ! Il pouvait en effet descendre, au moyen de cet appareil, jusqu’à cet endroit où le lierre dru formait comme un pont entre la muraille, d’un côté, et de l’autre la cime d’un chêne auquel il s’enlaçait par ses mille bras et ses mille racines. Et quant à la résistance de l’engin, elle venait de cette raison qu’il eût fallu un poids bien des fois plus lourd que le poids de Maurin pour soulever ce levier vertical : le bâton qui portait la pierre. Maurin les connaissait toutes, les ruses ! Il avait, comme on dit, des notes et des remarques.

Tout cela fut fait très vite. Un dernier coup d’œil au trou de la porte : il vit les gendarmes qui buvaient, confiants, sûrs d’eux-mêmes. Il mit sur son échine son carnier, enjamba la fenêtre, posa ses pieds dans un joint du mur, se suspendit d’une main au rebord de la fenêtre, tira à lui la corde jusqu’à ce que le bâton fût bien bloqué, à son point d’attache, contre l’angle intérieur du mur d’appui, et, ses pieds bien appuyés maintenant sur les saillies des branches du lierre, il descendit, guidé et soutenu par la corde, et faisant fuir de tous les côtés les merles surpris… À présent, le bruit de sa descente se perdait dans le murmure continu des pinèdes et des châtaigniers.

Une fois dans le chêne, il y attacha la corde tendue,