Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/338

Cette page a été validée par deux contributeurs.
320
MAURIN DES MAURES

— Pas beaucoup, milord ! riposta Maurin. Quand on me fâche, on n’a pas à me le demander, parce qu’on le sait tout de suite. Seulement, je n’aime pas qu’on me frappe sur le ventre, à moins d’être mon égal en fortune. Et toi, Caboufigue, tu es trop riche pour avoir le droit de le faire, comment ne le comprends-tu pas ? Je ne pourrais, vois-tu, te rendre la pareille qu’en te frappant sur la tête, pourquoi ta tête… elle pense comme mon ventre ! Voilà ce que j’avais à te dire.

Caboufigue avait de brusques retours à des simplicités de cœur vraiment touchantes ; il avoua tout à coup ses misères :

— Tu claques sec, Maurin ! dit-il. C’est pour ça aussi que je t’aime… Tous les autres me caressent, je te dis, et lèchent mes bottes… Ah ! si tu savais !… Quand je me dis si heureux, c’est un peu pour faire le fendant, mais j’en vois de dures, va ! Quand un journal me flatte, c’est pour avoir de l’argent. Quand il m’attaque, c’est pour avoir de l’argent. Les banquiers me menacent, les députés me menacent, les rois même me menacent… Il y a des moments où j’enverrais la fortune au diable…

— Oui, dit Maurin, seulement ces moments-là passent vite ; il en vient d’autres à la suite…

— Tiens, mon fils a voulu être baron. Il l’est. Il a acheté ce titre au pape. Une bagatelle : trente mille cinq cents francs, mais je n’ai jamais vu les reçus ; et je crois que mon fils a pris le titre en empochant les trente mille cinq cents…

— Il a bougrement bien fait, dit Maurin, de ne pas payer ce qu’on peut avoir pour rien, sans faire de tort à personne.

— Puisque tu as assez vu mes richesses, viens voir