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MAURIN DES MAURES

préjudice. Il faut que je protège les jeunes. Cela demande, pour la surveillance, un grand personnel, car chaque femelle me donne une soixantaine d’œufs que le mâle guette pour les dévorer ; dès qu’elle les a pondus, la femelle ne s’en occupe plus.

— Aussi, dit Maurin, soixante enfants à la fois ! autant qu’il y a de minutes dans une heure ! Té ! ajouta-t-il, je commence à croire que je suis, comme toi, un homme d’importance, puisque je pourrais gâter de si grosses affaires. Quant à Césariot, sa mère aurait mieux fait de me le confier tout petit, au lieu de me le cacher. Je ne suis pas un de tes alligators, moi !

— Comme ça, dit Caboufigue, tu t’es fait connaître de Césariot ? et tu me disais tout à l’heure que sa manière de se comporter t’inquiète ?

— C’est embêtant pour un chêne, dit Maurin, de voir sortir de sa graine une ortie bonne à pas grand’chose. Quand une fille est devenue mère, on devrait l’estimer pour ça, au lieu qu’on l’encourage à cacher le petit ; et les enfants qu’on abandonne, ça fait des hommes qui s’enragent. J’ai connu trop tard celui-ci. J’étais trop jeune quand je l’ai eu ; ça n’est pas ma faute… S’il tourne bien, il sera de mes héritiers, mais il n’en prend pas la route !

— Il est jeune, il peut changer, dit Caboufigue.

Puis, avec un ton de pitié bête parce qu’elle était dédaigneuse :

— Tu aurais dû être riche de naissance. Tu aurais été plus heureux en femmes, car ce n’est pas le nombre qui fait le bonheur.

— Sur cette question, dit Maurin, j’ai mes idées. L’amour et la fortune ne vont pas toujours par la