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MAURIN DES MAURES

— Ah ! c’est toi le fameux Maurin ? Arrêtez-moi ce mandrin-là ! il paiera, en une fois, pour beaucoup d’autres histoires !

— Faites excuse, monsieur le maire, dit Maurin. Pour empêcher le désordre, je dois obéir et m’en aller, c’est sûr, encore que la place soit à tout le monde ; mais pour ce qui est d’arrêter un Maurin, il faut plus d’un homme ! Et d’hommes, ici, je calcule qu’il n’y a que moi !

— Je ne compte donc pas au moins pour un ! cria le maire suffoqué. Et que suis-je donc ?

— Ah ! lui dit le garde respectueux, vous n’êtes pas un homme, puisque vous êtes le maire.

— Il ne peut donc compter que pour un âne, dit Maurin, car le maire d’un pays provençal où l’on ne comprend pas la plaisanterie n’est vraiment qu’un âne, et des gros ! De la plaisanterie, si vous riiez les premiers, gens de Gonfaron, on vous laisserait tranquilles, mais ânes vous naissez, ânes vous mourrez ! Qui naquit pointu ne meurt pas carré, et quand un peuple est bête il est bête par millions !… Ah ! pauvre France !

Le maire et le garde se consultaient. Maurin continuait :

— Rien qu’en entendant mon nom de brave homme, les petits enfants d’ici, comme ceux de partout ailleurs, devraient me respecter ! mais vous ne connaissez rien, sauvages ! il vous faut des Parisiens, pechère ! qui vous appelleront mocos sans vous mettre en colère parce que l’âne veut être bâté !… Allons, adieu, bonnes gens ! Pour sûr, vous n’avez jamais eu d’ailes. Et je dirai partout qu’à Gonfaron les ânes ne volent pas. Oh ! non !

Il s’éloigna sous les derniers cailloux des enfants