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MAURIN DES MAURES

femmes et jeunes filles, en criant sur tous les tons :

— Sant Martin ! Sant Martin ! vivo sant Martin !

Tout le village escortait le saint, entouré de congréganistes en robes blanches, un cierge aux mains, et de quelques pénitents en cagoule.

Or, l’usage veut que lorsque le saint arrive devant l’église, M. le curé, vêtu de ses plus beaux ornements, se présente à sa rencontre sous le porche. Alors le Saint s’arrête. Les cantiques éclatent. À ce moment précis, un pauvre de la commune, instruit à cet effet, — un pauvre pour de bon, chargé de représenter le mendiant de saint Martin, s’avance vers le prêtre et s’agenouille au seuil de l’église. Aussitôt le sacristain tend au curé un vêtement que le prêtre doit donner au pauvre de la part de saint Martin. Mais ce vêtement n’est jamais un manteau — (les manteaux, frangés d’or ou non, coûtant trop cher et n’étant guère à la mode) ; et, quel qu’il soit, veste ou gilet, il faut que le don en soit fortement légitimé, aux yeux de la foule, par l’attitude implorante et lamentable du pauvre.

Ce miséreux doit donc grelotter ! C’est son rôle dans la comédie, qu’il fasse chaud ou non. Il fait chaud souvent, dans ce pays-là, à cette époque, et l’on dit partout ; l’été de la Saint-Martin. Cependant la foule, toujours un peu cruelle et gouailleuse, ne permettrait pas que le vêtement fût donné au pauvre qui ne l’aurait pas mérité faute d’avoir grelotté, et fort visiblement. Et elle crie :

— Trémouaro ! (grelotte !) Tremble ! Frissonne !

Maurin et Pastouré n’avaient jamais, de leur sainte vie, assisté à cette cérémonie étrange. Ils regardaient, avec surprise et non sans une colère naïve, cette comé-