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MAURIN DES MAURES

verte de thyms et de bruyères, sillonnée de ravins pierreux, creusés par les eaux de pluie.

C’était sur ce versant qu’il s’attendait, d’un instant à l’autre, d’après la voix des chiens, à voir monter son lièvre.

Derrière lui, s’ouvrait le vide, car le rocher, sur lequel il était debout, était, de ce côté-là, taillé à pic véritable muraille d’environ quinze pieds d’élévation. Et pour descendre la colline, à moins de sauter de cette hauteur, il devait aller, par des circuits, chercher une pente praticable à un demi-quart de lieue. S’il sautait, ni le gendarme, empêché par ses énormes bottes, ni le géant Grondard, puissant mais lourd et sans souplesse, ne pourraient le suivre à moins de perdre dix minutes à retrouver au loin le sentier. Or, en dix minutes, avec la connaissance qu’il avait des moindres drayes (sentiers) des Maures, le maigre et léger Maurin aurait le temps de gagner au large.

Il n’avait vraiment à craindre que le fusil de Grondard et le revolver de Sandri.

Et encore !… Il savait, par expérience personnelle, que malgré la colère, et en dépit des plus violentes menaces, on ne tire pas sur un homme aussi vite que sur un lapin. On hésite toujours un peu.

Donc Maurin avait pris son parti, et saisissant d’une main vigoureuse le bout de la longue branche horizontale d’un pin d’Alep qui, planté en contre-bas, dressait sa cime bien au-dessus de sa tête, il avait sauté, en tenant ferme la branche, dans le précipice ouvert derrière lui.

La branche très longue et très flexible s’inclina avec vitesse d’abord sous le poids de l’homme, puis résista,