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MAURIN DES MAURES

geon. On n’en trouverait pas un autre à lui pareil !

Le soir de ce jour, instruit de l’aventure de l’aigle par son ami le cantonnier, Parlo-Soulet, seul dans sa cabane, disait :

— Faire servir une aigle des Alpes qui vole là-haut dans le ciel, à son amour de fénière (grenier à foin) avec une femme des Maures, ça, je n’y aurais jamais songé ! De ce Maurin, pas moins, quelles idées il vous a ! Mais tuer l’aigle juste quand elle a fini de vous rendre le service, ça, mon homme, ça me dérange un peu dans l’idée que je me faisais de toi. Elle méritait la vie, l’aigle !… Il est vrai que ça mange trop de perdrix, et même de lièvres… Et puis, si elle t’a rendu le service, c’était sans le savoir et, à la réflexion, tu ne lui devais rien… Allons, allons, je vois que, comme toujours, tu as eu raison. C’est de bonne règle : quand le danger est passé, on f…iche le saint par terre ! Comme dit l’Italien : Passato pericolo, gabbato il santo. Cependant c’est un gros ennui pour moi qu’il y ait tant d’occasions où je ne peux pas te suivre dans tes chasses, parce que tu y cherches des femmes, — et que c’est là une chasse que l’on aime à faire tout seul. Mais, je te le dis, mon brave, derrière les femmes mariées, il y a pour toi le danger que toi-même tu te prépares ; et finalement, d’une manière ou d’une autre, tu attraperas un jour quelque fameux coup de corne !