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MAURIN DES MAURES

— Té, Maurin, toi que tu as le temps, reste ici à l’espère jusqu’à ce que tu me l’aies tuée. Je te loge, je te nourris et nous serons quittes. Et encore, foi de Secourgeon, je te rendrai service à l’occasion. Dans ton métier, hé, tu as, des fois, besoin d’aide ?

Misé Secourgeon, émue par l’aigle, accourait, levant les bras au ciel. Elle était toute tremblante, Misé Secourgeon. Vingt-cinq ans, avec un mari de cinquante. Elle était jolie, Misé Secourgeon. Elle avait entendu les honnêtes propositions de son mari. On était un peu solitaire, à la ferme des Agasses. Un hôte à loger deux ou trois jours, et qui rendrait le service de tuer l’aigle, cette idée ne lui déplaisait pas, à Misé Secourgeon ! On racontait, sur Maurin, des choses ! Il en savait, celui-là, des histoires !… Quand il voulait, disait-on, il était amusant, ce Maurin, aux veillées… Elle était beaucoup curieuse de lui.

— Ça est dit, qué ? vous restez, dit-elle. Vé, rendez-nous ce service !

— C’est vrai que tu coucheras à la fénière, dit Secourgeon rendu tout à coup soupçonneux par l’entrain de sa femme et le brillant regard que lui lançait Maurin.

— Un lit de foin en vaut un autre, — quand on a une bonne conscience, dit Maurin. Marché conclu, je reste… pour l’aigle. Et je ne veux pas être nourri sans rien donner. Je vous fournirai du gibier pour remplacer vos poules et lapins que l’aigle vous a volés.

Le lendemain, Maurin épiait l’aigle qui planait au-dessus de la ferme ; il s’était mis en embuscade sous le hangar où Misé Secourgeon sournoisement lui rendait visite à l’abri des balles de foin, à seule fin de