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MAURIN DES MAURES

L’énorme oiseau semblait entouré d’un vol de moucherons.

— Trop loin encore ! murmurait Maurin.

— Chut ! qu’elle se rapproche !

La fermière sous le hangar s’était cachée derrière des balles de foin.

— Prépare-toi, Maurin ! chuchota Secourgeon. Elle arrive, notre aigle !

Le rétrécissement du dernier cercle que décrivait le vol de l’aigle devait l’amener à portée du bon fusil de Maurin… mais ce cercle ne s’acheva pas. La lourde bête de proie tout à coup se laissa tomber verticalement comme une pierre vers le sol.

— Couquin dé pas Diôu ! mon chien ! hurla Secourgeon. Elle en veut à mon chien ! vé ! vé ! vé !

Il quitta son abri en même temps que Maurin.

À la vue des deux hommes, l’aigle remonta brusquement en s’éloignant d’eux, tandis qu’un jeune basset, hurlant d’effroi, revenait vers la ferme de toute la vitesse de ses jambes courtes.

— C’est un peu fort ! criait Secourgeon. Ah ! garce ! charogne ! Elle me ruinera, la gueuse ! six poulets et trois lapins, voilà son compte depuis trois jours ! Et n’a-t-elle pas, avant-hier, essayé de prendre une chevrette à la petite pastresse Fanfarnette ! Tu verras qu’un de ces matins elle s’avisera, cette aigle de malheur, d’enlever notre bergerette elle-même qui, avec ses quinze ans, a l’air d’en avoir dix, tant elle est petitette !… On ne me la tuera donc pas, cette aigle enragée ! Elle veut mon chien à présent que ma chienne est morte ! et je n’ai que lui pour la chasse !

Il se tourna violemment vers Maurin :