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MAURIN DES MAURES

— Les amoureux sont trop facilement jaloux, j’ai cru surprendre un regard.

— À quelle occasion ?

— Le jour de cette battue contre les bandits.

— C’est sûr que, ce jour-là, il s’est bien conduit, le braconnier, fit Orsini.

— Peuh ! ils étaient trente contre trois, dit Sandri.

— Alors elle lui a souri ?

— Il m’a semblé.

— Ah ! ces filles ! dit Orsini… Nous autres hommes, nous savons choisir sagement. Être bandit ou gendarme, en Corse, la question peut se poser pour les hommes. Pour nos femmes, elles préfèrent toujours, sans réflexion, le bandit, les gueuses ! Mais quand le père est soldat, ça ne peut pas aller comme ça, non. Touchez là, Sandri, je vous promets ma fille. C’est votre fiancée ; mais je vous avertis que je ne consentirai au mariage que le jour où vous serez nommé brigadier.

— Je vous ai dit l’autre jour, beau-père, que cela ne saurait tarder.

Orsini ouvrit la porte et, du seuil, poussa un long appel qui courut toute la colline : « Eh ! Oh ! » puis il revint s’asseoir. Son parti était pris.

— Mais, vous, Alessandri, dit-il, il faut, de votre côté, renoncer à vos histoires ; on les connaît. Je vous ai rencontré moi-même serrant de près la Margaride, la servante de l’auberge des Campaux.

Le gendarme aux joues roses et bleues rougit vivement.

— Vous ne voudriez pas, dit-il, qu’à mon âge…

— Non, certes !… Mais il serait temps de laisser cette fille à sa vaisselle…