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Il aime inconstemment, c’est ta perfection :
Jamais rien de constant ne te fust agreable
Et je lis en cela ta folle affection.
Quant chascun veult tousjours rechercher son semblable,
J’aprens à te fuir comme contraire à moy,
Qui crains plus que la mort la perte de ma foy :
Or vis de l’inconstance, enivre tes esprits
De la douce poison dont t’a ensorcelee
Celluy qui en t’aimant n’aime que ton mespris ;
Je n’aimeray jamais d’une amour aveuglee
Un esprit impuissant, un cueur degenereux,
Superbe à ses amis & humble à ses haineux.


XIII.

Citadines des mons de Phocide, aportez
L’espaule audacieuse à ma fiere entreprise,
Et si vostre fureur un coup me favorise,
Je brusleray ma plume à voz divinitez.
J’enflamme ce labeur d’un œuvre si superbe
Que dés le commancer je me trouve au milieu.
Fortune aide aux rameaux qui grimpent en hault lieu
Et trepigne à ses piedz l’humidité de l’herbe.
Non, je n’escriray point, il suffist que mes yeulx,
Mes sens, mes voluntez & mon ame ravie
Osent vous admirant, ma bienheureuse vie,
Il vault mieux dire un peu & pencer beaucoup mieux.
C’est le riche subjet qui me donne courage,
Sur qui je n’entreprens rien temerairement,
Mais mon stile ne peut orner son argument,
Il fault que le subjet soit honneur du langage.
O que si tant de vers tous les jours avortez
Qui portent peinte au front la mort de leur naissance,