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Tandis que j’ay cueilli le baiser & la couche
Et le sinquiesme fruict du nectar le plus doux.
Ces humains aveuglez envieux me font guerre,
Dressant contre le ciel l’eschelle, ils ont monté,
Mais de mon Paradis je mesprise leur terre
Et le ciel ne m’est rien au pris de ta beaulté.


XII.

J’implore contre toy la vengeance des Dieux,
Inconstante parjure & ingratte adversaire,
Las de noyer ton fiel aux pertes de mes yeux
Et à ta cruauté rendre tout le contraire,
D’enorgueillir ton front de mon humilité,
De n’adorer en toy rien plus que la beauté.
D’où as-tu, sanguynaire, extrait ce naturel ?
Est-ce des creux rochers de l’ardante Libie
Où tu fouillois aux reins de quelq’aspid mortel
Le roux venin, le suc de ta sanglante vie,
Pour donner la curee aux chaleurs de ton flanc
De te paistre de mortz & t’abreuver de sang ?
D’un courroux sans raison tu as greslé les fleurs,
Les fruictz de ma jeunesse, & ta rouge arrogance
Trepigne soubz les pieds l’espoir de mes labeurs,
Les sueurs de mon front & ma tendre esperance.
En languissant, je voi’ que les oiseaux passans
Sacagent impunis mes travaux florissans.
Celluy qui a pillé en proie ta beauté
N’a lenguy comme moy, les yeux dessus ta face,
Mais en tirannisant ta folle volupté :
II regne pour braver & pour user d’audace,
N’immolant comme moy en victoire son cueur,
Sur toy qui vomiçois il s’est rendu vainqueur.