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Quant de me tormenter la fortune assouvie
Vouldra mes maulx, ma vie & son ire finir,
Nymphes qui avez veu la rage qui m’affole,
Satires que je fis contrister à ma voix,
Baptissez en pleurant quelque pauvre mausolle
Aux fondz plus esgairez & plus sombre des bois ;
Plus heureux mort que vif, si mon ame eveillée
Des enfers, pour revoir mon sepulchre une fois,
Trouvoit autour de moy la bande eschevelee
Des Driades compter mes pennes de leurs voix.
Que pour éterniser la sanguynere force
De mes amours ardentz & de mes maulx divers,
Le chesne plus prochain portast en son escorce
Le succez de ma mort & ma vie en ces verz.
Quant, cerf bruslant, géhenné, trop fidelle, je pense
Vaincre un cueur sans pitié, sourd, sans yeux & sans loy,
Il a d’ire, de mort, de rage & d’inconstance
Paié mon sang, mes feux, mes peines & ma foy.


II

A longs filetz de sang, ce lamentable cors
Tire du lieu qu’il fuit le lien de son ame,
Et separé du cueur qu’il a laissé dehors
Dedans les fors liens & aux mains de sa dame,
Il s’enfuit de sa veuë & cherche mille mort-i.
Plus les rouges destins arrachent loin du cueur
Mon estommac pillé, j’espanche mes entrailles
Par le chemin qui est marqué de ma douleur :
La beauté de Diane, ainsy que des tenailles,
Tire l’un d’un costé, l’autre fuit le malheur.
Qui me voudra trouver destourne par mes pas,
Par les buissons rougis, mon cors de place en place :