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XCVI.

Je brusle avecq’ mon ame & mon sang rougissant
Cent amoureux sonnetz donnez pour mon martire,
Si peu de mes langueurs qu’il m’est permis d’escrire,
Souspirant un hecate, & mon mal gemissant.

Pour ces justes raisons j’ai observé les cent :
A moins de cent taureaux on ne fait cesser l'ire
De Diane en courroux, & Diane retire
Cent ans hors de l'enfer les corps sans monument.

Mais quoy ? puis-je cognoistre au creux de mes hosties,
A leurs boyaux fumans, à leurs rouges parties
Ou l'ire, ou la pitié de ma divinité ?

Ma vie est à sa vie, & mon ame à la siene,
Mon cœur souffre en son cœur : la Tauroscytiene
Eust son desir de sang de mon sang contenté.


XCVII.

Ouy, je suis proprement à ton nom immortel
Le temple consacré, tel qu’en Tauroscytie
Fust celuy où le sang appaisoit ton envie,
Mon esthomac pourpré est un pareil autel :

On t’assommoit l’humain, mon sacrifice est tel,
L’holocoste est mon cœur, l’amour le sacrifie.
Les encens mes souspirs, mes pleurs sont pour l’hostie
L’eau lustralle, & mon feu n’est borné ny mortel.

Conserve, Deité, ton esclave & ton temple,
Ton temple & ton honneur, & ne suy’ pas l'exemple
D’un pendart boute-feu qui, bruslant de renom,

Brusla le marbre cher, & l’ivoyre d’Epheze.
Si tu m’embrasses plus, n’atten’ de moy sinon
Un monceau d’os, de sang, & de cendre, & de braize.