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XC.

Un clair voyant faucon en volant pour riviere
Planait dedans le ciel, à se fondre appresté
Sur son gibier bloty, mais voyant à costé
Une corneille, il quitte une poincte premiere.

Ainsi de ses attraictz une maitresse fiere
S’eflevant jusqu’au ciel m’abbat soubz sa beauté,
Mais son vouloir volage est soudain transporté
En l’amour d’un corbeau pour me laisser arriere.

Ha ! beaux yeux obscurcis qui avez pris le pire,
Plus propres à blesser que discrets à eslire,
Je vous crain’, abbatu ainsi que fait l’oiseau

Qui n’attend que la mort de la serre ennemie,
Fors que le changement lui redonne la vie,
Et c’est le changement qui me traine au tombeau.


XCI.

Celle là qui abecha
De froid venin son enfance
Et longtemps d’autre substance
Ne cogneut & ne macha

Mourut lors qu’elle tascha
De prendre la cognoissance
Du doux, & par l’inconstance
Doucement la mort cercha.

Ainsi moy qui jusqu’icy
N’ay gouste que le soucy,
L’amer, les pleurs & la braise,

Si je n’empruntoy’ un cœur
Qui eust esté nourri d’aise,
Je mourroy’ de la douçeur.