LXXXIL
Je voyoy’que le ciel aprés tant de chaleurs
Prodigeoit mille fleurs ſur la terre endurcye :
Puis je voyoy’comment ſa rigueur amollie
Faiſoit naiſtre de là le printemps & les fleurs.
J’arroſe bien ainſi & trempe de mes pleurs
Le ſein de ma Deeſſe, & ma force affaiblie,
Mes yeux fonduz en eau, ces breches de ma vie,
N’ont attendry ma dame & noyé mes ardeurs.
Des neiges, des frimatz, & meſmes des orages
La terre eſcloſt ſon fruict, & ſes riches ouvrages
Qu’un doux air puis apprés flatte de ſes ſouſpirs :
Helas ! je ſouffre bien les enniuieuſes guerres
Des cieux, des ventz, les froids, les pluyes & les tonnerres,
Mais je ne voy’ni fleurs, ni printemps, ny zephirs !
LXXXIII.
Ce doux hyver qui eſgale ſes jours
A un printemps, tant il eſt amiable,
Bien qu’il ſoit beau, ne m’eſt pas agréable,’
J’en crain’la queuë, & le ſuccez touſjours ;
J’ay bien apprins que les chaudes amours
Qui au premier vous ſervent une table
Pleine de ſuccre & de metz delectable
Gardent au fruict leur amer & leurs tours :
Je voy’deſja les arbres qui boutonnent
En mille neuz, & ces beautez m’eſtonnent :
Eſt une nuict ce printemps eſt glacé ;
Ainſi l’amour qui trop ſerein s’advance
Nous rit, nous ouvre une belle apparence,
Eſt né bien toſt & bien toſt effacé.