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LXXX.

On dit que la vapeur des mynes sulphurees
Repousse contre mont une secrette humeur
Des veines de la terre, & de cesle liqueur
Sont comme en l’alembicq’ les sources engendrees.

Qui voudra voir en moy ces choses comparees,
Qu’il regarde comment la secrette chaleur
Qui m’eschauffe le sang sait monter de mon cœur
Aux sources de mes yeux les larmes desserees.

Ceste source fumante est de souffre & d’alun
Par qui mes pleurs ne sont d’un usage commun ;
Les Bains de Bar-le-Duc nous portent medecine

Par ces deux mineraulx dont ils sont estoffez,
Mes pleurs sont médecins des maux de ma poictrine,
Plus amers que l’alun, plus que souffre eschauffez.


LXXXI.

Beau soleil qui exhale & chasse les vapeurs,
Qui metz la terre en poudre, & l’enyvres de l’onde,
Cause des changements & bel ame du monde,
A quoy les changements & maux, desquels je meurs,

Cette belle inconstance est mere des faveurs,
Du ciel ce beau changer pare la terre ronde :
Qu’il change ausi ma dame, en sorte qu’elle fonde
En amours, en plaisirs, en peines & en pleurs.

Cest astre qui me luit des rayons de son œil
Fait en moy ce que fait au monde le soleil,
Exhale mes humeurs, & puis les fait dissoudre,

Tousjours reduict en cendre, ou noyé de ruisseaux,
Aujourd’huy asseché, par le chault mis en poudre,
Le lendemain ma vie est un deluge d’eaux.