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LXVI.

O combien le repos devroit estre plaisant
Apres un long chemin, fascheux & difficile !
O combien la santé qui tire le débile
Hors du lict par la main, le va favorisant,

Combien, aprés la nuict, le soleil reluisant
Fait paroistre au matin son jour doux & utile,
Combien aprés l’hyver vault un printemps fertile,
Et le zephir douillet aprés le froid cuisant !

Combien aprés la peur est douce l’asseurance,
Aprés le desespoir est chere l’esperance,
Aprés le sens perdu recouvrer la raison !

O combien à souhait, combien délicieuse
Seroit ma liberté aprés ceste prison,
Combien au condamné seroit la vie heureuse !


LXVII.

Docteurs, qui annoncez que nos Espritz ont eu
Entrant dedans leur corps, de la main de leur pere,
Le choix du bon, pour voir & fuir le contraire,
Et que l’arbitre franc du Ciel ils ont reçeu,

Si vous aviez, cagotz, fait preuve de ce feu
Qui sçait de mon plaisir ma volonté distraire,
Qui fait haïr mon bien & mon malheur me plaire,
Et ne pouvoir vouloir, vouloir ce que je suis.

Vous sçauriez que l’esprit se sent de son organe.
J’en fis la preuve allors que les yeux de Diane
Changerent mon vouloir à ne vouloir qu’amour ;

Ma volonté n’est plus volonté qu’à faux tiltre,
Je voudroy’ n’aimer point, & j’ayme de ce jour
Ce qui m’oste le choix, l’ame & le franc arbitre.