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XXX.

Si tost que vostre coche a peu ensemble avoir
Un amour si tres ferme, & si tres preécieuse.
Indigne de porter charge si gratieuse,
Un desplaisir esgal il nous fit recevoir.

Il est versé par terre, en cela je puis voir
Que fortune ne veut m’estre si rigoureuse
Que si elle n’estoit que pour vous malheureuse ;
Si j’interprète mal, je me veux decepvoir :

Doux bien, douce douleur qui nous fera commune,
Je me desdi’ du mal que j’ay dit de fortune
Si mon mal & mon bien font unis avecq’vous ;

Je ne vous cerche pas compagne en ma tristesse,
Mais j’aimeroy fortune, & ses coups seront doux
Si la playe d’amour nous unist, & nous blesse.


XXXI.

Dans le parc de Thaly j’ay dressé deux plansons
Sur qui le temps faucheur ny l’ennuyeuse estorse
Des filles de la Nuict jamais n’aura de force,
Et non plus que mes vers n’esteindra leurs renoms.

J’ay engravé dessus deux chiffres nourrissons
D’une ferme union qui avec leur ecorce
Prend croissance & vigueur, & avecqu’eux s’efforce
D’acroistre l’amitié comme croissent les noms ;

Croissez, arbres heureux, arbres en qui j’ay mis
Ces noms & mon ferment, & mon amour promis.
Auprès de mon ferment je metz ceste prière :

« Vous Nymphes qui mouillez leurs pieds si doucement,
Accroissez ses rameaux comme croist ma misere,
Faites croistre ses noms ainsi que mon tourment. »