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IV.

Combattu des vents & des flots,
Voyant tous les jours ma mort preste
Et abayé d’une tempeste
D’ennemis, d’aguets, de complots,

Me resveillant à tous propos,
Mes pistolles dessoubs ma teste,
L’amour me fait faire le poete,
Et les vers cerchent le repos.

Pardonne moy, chere Maistresse,
Si mes vers sentent la destresse,
Le soldat, la peine & l’esmoy :

Car depuis qu’en aimant je souffre,
Il faut qu’ils sentent comme moy
La poudre, la mesche, & le souffre.


V.

Ronsard, si tu as sçeu par tout le monde espandre
L’amitié, la douceur, les grâces, la fierté,
Les faveurs, les ennuys, l’aise & la cruauté,
Et les chastes amours de toy & ta Cassandre :

Je ne veux à l’envy, pour sa niepce entreprendre
D’en rechanter autant comme tu as chanté,
Mais je veux comparer à beauté la beauté,
Et mes feux à tes feux, & ma cendre à ta cendre.

Je sçay que je ne puis dire doctement,
Je quitte le sçavoir, je brave l’argument
Qui de l’escript augmente ou affoiblit la grâce.

Je sers l’aube qui nait, toi le soir mutiné,
Lorsque de l’Océan l’adultère obstiné
Jamais ne veut tourner à l’Orient sa face.