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ODES 181.

Tu n’as besoin que je loue,

Tu n’as besoin que je voue
A toy mes vers, mes esprits
Car ta vertu n’est pas telle
Qu’elle ne soit immortelle
Sans l'aide de mes escritz.

Je te loue & yeux eslire

Ce fubject pour en bien dire,
Mais non selon l'argument,
Et je n’en crains repentance,
Sinon que par l'ignorance
Je parle trop froidement.

Ne trouve pourtant estrange,

Si tu voiois que la louange
Que je t'ay voulu voüer
Ne monstre que le courage
D’un esprit assez volage
Est leger pour te louer.

Que me sert, cruellement belle,

Que me sert, doucement cruelle.
Ton euil doux en ses cruautez,
Le fiel foubz le miel de ta grace,
Si tu descoches de ta face
Aultant de mortz que de beautez!.

Ta main doucement me repoulce,

Et ta parolle encores plus douce
Glace mon cueur en l'enflammant :
Tu me refuses sans cholere,
Et en riant de ma priere
Tu me fais mourir doucement.

Mais fiere quant tu me repousse,

Ta vois & si rude & si douce
De ton courroux monstre l'effort,
Ainsi qu’un juge impitoiable