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122 LE PRIMTEMS DU SIEUR D AUBIGNE.
Luy faisant jurer son malheur
- Qui me tuë et conserve l’ame,
- Qui esteint et nourrist ma flamme,
- Fais mon malheur, ce que je veux,
- Et change mes espritz en feux !
Mon ame n’est plus raisonnable,
- La folle et aveugle m’accable
- Et je me meurs sans estre espriz
- D’autres feuz que de mes espritz :
- Les fiers à ma misere jurent,
- J’ay perdu la vie et la voix
- Par ceux là par qui je vivois.
Ma conception s’est bandee
- A ma mort qu’elle a demandee
- Et avecq’ elle a fait venir
- Le jugement, le souvenir.
- O vous, parties divisees,
- Las ! vous courez malavisees,
- Serves ou vous servans d’un cueur
- Soudoié de vostre vaincueur !
Divine beauté que j’adore,
- Vous avez plus servy encore
- A rendre l’amour mon vaincueur
- Que mes espritz ny que mon cueur.
- Ils n’ont eu plus rien que des larmes
- En voiant flamboier pour armes
- Es mains de l’Amour indompté
- Vos graces et vostre beauté.
Comme d’une tranchante lame,
- De vos regards il m’osta l’ame
- Et en sa place il a remis
- Mille et mille feux ennemis ;
- Mon ame n’est plus que de braise