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Les exemples, le cours & les editz sont droitz,
Car la desunion est la mort de Penie,
L’acord la ressucite & lui donne la vie.


XVII.

O bien heureux esprits qui printes vostre vie
Des fresnes endurcis & des rochs de Libye,
Avortez du Caucase & de quelque autre mont
A qui l’amour ne brusle & tormente les ames,
A qui la cruauté des cipriennes flammes
Ne martirise l’oeil, l’estoumac & le front !
Bien heureux sont ceulx là qu’une tendrette enfance
Empesche heureusement d’avoir la congnoissance
Des forces du malheur & de celles d’amour,
Mais ilz seroient heureux, si dés l’age premiere
D’un sommeil eternel ilz fermoient leur paupiere :
Leur vie & leur bonheur n’auroient qu’un dernier jour !
J’ay tort, hors de l’amour est toute joye esteinte.
Tout plaisir est demi, toute volupté feinte,
Et nul ne vit content s’il ne souffre amoureux.
Sans aimer & souffrir l’aise demeure vaine,
Et celuy qui son heur ne compare à la peine
De quel contentement sera il bien heureux ?
Le contraire est congneu tousjours par son contraire :
Ainsi qu’aprés l’hyver le printemps on espère,
Et comme aprés la nuit nous atendons le jour,
Ainsi le beau temps vient à la fin de l’orage,
Ainsi aprés le fiel d’un courroucé visage
Nous goustons la douceur de l’œil & de l’amour.
C’est l’amour tout puissant qui guerist la tristesse,
Qui fit le deuil amer de ma chere maitresse
Finir en mon bonheur, naistre en mesme saison.