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XVI.

Mesurent des haultz Cieux tant de bizarres courses
Ceux qui ont espié leur subtils mouvements ;
L’autre cherche la cause aux divers excremens
Des pluies, des metaux, des plantes & des sources ;
Vante un brave soldat, à la face de tous,
Son adresse, son heur, sa force & son courage,
Et son esprit vanteur repeu de son dommage
Estalle un estomac gravé de mille coups.
Je veulx parler d’amour, docte en telle science,
Si le savoir est seur né par l’experience.
Le chef d’euvre de Dieu fut l’homme miserable
Fait des quatre elemens, un monde composé
Du froid comme du sec, humide & embrasé,
Et fut par le divin à Dieu mesme semblable,
Car son ame n’est moins que divine des Cieux,
Le plus beau que le Ciel peut donner en partage :
Si bien qu’estant unis d’un si beau mariage,
On a fait pour jaloux les Demons & les Dieux,
On a forgé de là l’audacieuse guerre
Des Titans animez & des filz de la Terre.
Ceste perfection fut la mesme Androgeine
Qui surpassa l’humain par ses divins effortz,
Quant le cors avecq’ l’ame & l’ame avecq’ son cors
Vit l’essence divine unie avecq’ l’humaine.
Le terrestre pesant n’engageoit de son pois
Le feu de son esprit à sa rude nature,
Mais ces deux unions en mesme creature
Souffroient de l’un’ à l’autre & l’amour & les loix.
Le divin se faisoit du naturel du reste