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gle qui le croirait ! Dans l’état encore si vague de ses aperçus, dans l’incohérence de ses systèmes, le socialisme obtient le seul succès auquel il doive raisonnablement prétendre ; il contraint ses adversaires, il force tout ce qui parle, tout ce qui écrit, tout ce qui pense, tout ce qui gouverne, à chercher la solution des problèmes qu’il a posés.

Mais cela se fait sans qu’on en ait conscience. L’Assemblée, comme le pays, obéit à une force cachée dont elle ignore le but et les voies. L’éloquence de la tribune n’a servi jusqu’à présent qu’à nous montrer sous un jour plus sombre nos maux de plus en plus aggravés, sans qu’aucune inspiration du génie nous en ait fait entrevoir le remède.

En d’autres temps, il y aurait eu à tenir grand compte d’un talent tout-à-fait hors ligne qui s’est produit depuis l’ouverture de la Constituante. Je veux parler de M. Jules Favre. Une précision, une lucidité parfaites, une déduction sévère, un tissu serré, un langage soutenu sans déclamation, de l’ordre sans monotonie, telles sont les qualités éminentes qui ont valu à M. Favre un succès sérieux, sans toutefois lui donner d’influence sur l’Assemblée. Le sens souvent très juste, mais toujours très froid de ses discours, satisfait l’esprit ; il n’entraîne jamais aucun vote.

Un bien déplorable débat va s’engager prochainement entre plusieurs des hommes dont je viens de vous entretenir. Nos plus beaux talens, les orateurs les plus chers à la Républiques, vont s’entr’accuser, dit-on, s’entre-déchirer. Au profit de qui ? Hélas ! au profit de nos ennemis qui déjà se réjouissent.

Mais pourquoi vous communiquer mes tristesses ? je voulais, en vous écrivant, faire diversion à des pensées qui me pèsent. J’aurais voulu surtout pouvoir vous dire avec conviction ce qu’un ancien disait de sa belle patrie : « Notre ré-