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ne devez-vous point attendre de cet immense ébranlement du sol germanique, depuis si longtemps prédit par vous, qui secoue le vieux tronc de Hapsbourg, met à nu ses racines, abat son orgueil, et fait courir un frisson d’épouvante dans les rangs victorieux de vos dominateurs consternés ?

Les destinées de votre patrie, si témérairement hasardées, compromises, perdues, on aurait pu le croire, sur l’Adige et sur le Pô, par des fautes innombrables, se révèlent sur la Drave et sur le Danube. Éclairées par une cruelle expiation, ranimées à la voix de ces grands citoyens qui n’ont connu ni l’ivresse des illusions premières, ni le découragement de la défaite, Milan, Venise, Florence, Turin, se tendent une main fraternelle et préparent une sainte ligue désormais cimentée par le remords commun et la commune douleur.

C’est un grand bien de connaître son mal. L’Italie, rudement châtiée de ses divisions intestines, sait aujourd’hui pourquoi elle a succombé ; elle se juge, elle se condamne elle-même : elle abjure de toute sa raison ces discordes insensées qui l’épuisent ; elle aspire à reconquérir par un puissant effort de patriotisme l’estime des nations et sa propre estime.

Honneur à ceux dont le langage réprobateur a dissipé les nuages dorés où se berçait l’imagination chimérique d’un peuple de poètes ! Honneur à ces patriotes austères qui, bravant l’impopularité, n’ont pas craint de gourmander en face les présomptions et les faiblesses de leurs concitoyens ! Vous n’avez pas eu une médiocre part, mon cher Mazzini, à cette tâche difficile et qui semblait au début si ingrate ; vous avez dit la vérité sans hésitation, sans ménagement ; plus que bien d’autres, assurément, vous avez droit de vous réjouir des heureux fruits qu’elle a déjà portés et des changemens salutaires opérés dans l’esprit public.

En relisant ces jours derniers le beau livre que vous publiiez il y a dix-huit mois, et auquel les événemens sont venus donner une autorité singulière, je me rendais compte mieux que je ne l’avais jamais fait des causes profondes, essentielles de vos grandeurs passées et de votre abaissement présent. Évoqué par vous, le génie italien m’apparaissait dans tout son prestige, dans cette grâce juvénile qui ré-