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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

points de la cité, ou ne s’expliquait pas du tout à elle-même, où s’expliquait par des causes opposées.

Aux abords de l’Hôtel de Ville, tout présageait une lutte sérieuse. Quand la première légion de la garde nationale, qui s’était mise en marche, tambours en tête, sous la conduite de ses officiers, déboucha sur la place du Châtelet, elle se vit tout d’un coup arrêtée par une masse considérable d’hommes du peuple qui, avertis la veille au soir dans les clubs, étaient accourus pour défendre, contre les bourgeois et les légitimistes, le gouvernement provisoire. Des colloques animés s’engagent, des propos injurieux sont échangés. Le général Courtais, escorté de trois chasseurs à cheval et de deux élèves des écoles, paraît à ce moment et, l’épée nue à la main, haranguant la première légion, il lui reproche, en termes très-vifs, l’illégalité de sa démarche et le mauvais exemple qu’elle donne au peuple. Une clameur prolongée l’interrompt ; les cris de à bas Courtais ! à bas les communistes[1] ! retentissent dans les rangs ; le peuple se presse autour du général pour le défendre ; une lutte corps à corps s’engage pendant laquelle un garde national, se précipitant sur le général et l’accablant d’insultes, lui arrache son épée et ses épaulettes. À cette vue, la foule qui grossissait de minute en minute, se jette en avant, rompt les rangs de la garde nationale, la force à reculer, la disperse et, après l’avoir poursuivie quelque temps de ses huées, revient triomphante occuper les quais et la place.

Mais, pendant que la 1re légion subissait cet échec ridicule, la 10e occupait la place de l’Hôtel-de-Ville, appuyant les compagnies d’élite qui attendaient, dans une attitude menaçante et en proférant les propos les plus séditieux, le retour de la députation envoyée au gouvernement provisoire. Pendant la délibération du conseil, qui ne

  1. À ce moment-là, la confusion des idées était si grande que la bourgeoisie voyait dans M. Ledru-Rollin le chef des communistes.