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HISTOIRE

par l’influence personnelle de quelques sectaires, qui confondaient toutes les lois naturelles et sociales dans un mysticisme de voluptés inacceptable pour la conscience moderne. Les femmes qui s’étaient jetées dans le saint-simonisme, sans bien comprendre le sens mystérieux de certaines formules, se troublèrent ; leur imagination, exaltée par des rites et des cérémonies où le magnétisme jouait un rôle principal, entra en lutte avec leur raison et la délicatesse de leurs instincts. Beaucoup d’entre elles, après des combats intérieurs douloureux, rentrèrent dans le sein de l’Église catholique ; d’autres, plus faibles ou plus intrépides, se donnèrent la mort. Le discrédit dont furent frappés les mystères du saint-simonisme rejaillit pendant longtemps sur toutes les idées favorables à l’amélioration du sort des femmes.

Vers cette même époque parut aussi un talent féminin, dont l’éclat et la nouveauté excitèrent une curiosité universelle. Aurore Dupin, baronne Dudevant, petite fille du fermier général Dupin, et qui comptait parmi ses ancêtres le maréchal de Saxe, publia, sous le pseudonyme de George Sand, une suite de romans d’un style admirable et dont l’esprit général était l’exaltation du caractère féminin et la peinture des souffrances de la femme dans le monde et dans le mariage. Une union ouvertement brisée, une existence pleine de fantaisie, une beauté singulière, un art accompli dans ses créations les plus spontanées, donnèrent à la personne et aux œuvres de George Sand un attrait extraordinaire. Les saint-simoniens, encore dans toute la ferveur de leur apostolat, voulurent s’emparer de la direction de ce talent si merveilleusement apte à la propagande. Mais l’intelligence de madame Sand n’acceptait pas volontiers le principe hiérarchique de la société saint-simonnienne. Invinciblement attirée vers les idées égalitaires les plus simples et les plus radicales, elle comprenait la démocratie comme l’avaient comprise les babouvistes. Le vieux Buonarotti la trouva docile à ses enseignements. Le com-