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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

semblée, dans les clubs qu’elles dirigent, aux armées, au Champ de Mars, à Versailles, aux Tuileries, hélas ! et jusque dans les prisons de septembre, des femmes inspirées ou possédées du génie de la Révolution s’associent à toutes les grandeurs de la pensée, à tous les héroïsmes de l’action, à toutes les fureurs de la démence révolutionnaire.

La Révolution, après les avoir provoquées à paraître sur la scène politique, les rejeta dans l’ombre, au 9 thermidor, sans avoir apporté de changements essentiels dans leur condition sociale. Cependant l’Assemblée constituante, non contente de leur rendre un éclatant hommage en remettant le dépôt de la Constitution à la vigilance des épouses et des mères, avait amélioré sensiblement leur sort dans la famille, en établissant le partage égal des biens et en abolissant la perpétuité des vœux monastiques. L’Assemblée législative crut faire plus en décrétant le divorce. Mais en ceci encore le législateur s’occupa exclusivement des femmes de la classe riche. Ces questions de partage égal, de vœu perpétuel et de liens indissolubles ne touchaient point la fille du peuple, car elle n’attend pas d’héritage, sa famille n’a nul intérêt à la pousser au cloître, et l’uniformité des habitudes de sa vie laborieuse la retient naturellement, sans qu’elle en souffre, dans un mariage unique. Les idées qui intéressent la généralité des femmes et leurs droits dans toutes les situations sociales ne furent traitées de nouveau, après le long silence de l’Empire et de la Restauration[1], que par les écoles de Saint-Simon et de Fourier.

En 1830, les prédications des saint-simoniens surtout réveillèrent chez un certain nombre de femmes des idées d’émancipation. Malheureusement les vérités contenues dans la doctrine saint-simonienne furent rapidement perverties

  1. Il serait injuste de ne pas tenir compte, dans ces années où le préjugé avait repris tout son empire, du beau travail de madame Necker de Saussure et du livre de madame de Rémusat, où je trouve cette pensée d’une simplicité fière et hardie « Les femmes ont droit au devoir. »