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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

raisonnements tirés de l’axiome que la fin justifie les moyens, la guerre aux hérétiques y est proclamée légitime et sainte ; la tolérance y est présentée comme le résultat d’une indifférence coupable[1]. À la vérité, suivant M. de Falloux et l’école dont il est un des plus fervents adeptes, l’État étant aujourd’hui athée, les moyens, employés par l’Église aux temps de foi ne sont plus applicables. L’inquisition ne serait plus qu’une erreur, sans bénéfice pour la société. Il s’agit, avant toute chose, pour les croyants, de restaurer la foi, la théocratie ; cela ne se peut faire qu’en renversant les pouvoirs athées.

Pour renverser ces pouvoirs, il faut la liberté. M. de Falloux préconise en conséquence la liberté. Il la veut, il l’aime presque, non pas en elle-même, comme un principe sacré qui découle de la nature de l’homme et consacre sa dignité, mais comme un moyen transitoire, dont à l’occasion les gens habiles peuvent tirer un parti meilleur que du despotisme. Quand le gouvernement théocratique sera restauré, alors seulement, selon M. de Falloux, on pourra rétablir les institutions des siècles de foi, qui firent, avec la puissance des Pie V et des Philippe II, la félicité du monde.

C’est sous l’inspiration de ces doctrines, réprouvées par la partie saine du clergé, qui n’ose toutefois les désavouer publiquement, que M. de Falloux donna son adhésion au gouvernement républicain.

Entré, depuis 1846, dans la vie politique, ayant acquis déjà l’expérience de la tribune et la pratique des coteries parle-

  1. « Quand l’État et la religion sont solidaires, dit M. de Falloux, quand la société civile repose entièrement sur la foi religieuse, attaquer la foi, c’est ébranler l’ordre social. On a donc pu faire légitimement contre les hérétiques et les impies, ce qu’on fait aujourd’hui contre ceux qui prêchent, ou conspirent contre le gouvernement établi. » — « La tolérance, dit-il encore dans ce livre curieux, n’était pas connue des siècles de foi, et le sentiment que ce mot nouveau représente ne peut être rangé parmi les vertus que dans un siècle de doute. Autrefois, il y avait en immolant l’homme endurci dans son erreur toute chance pour que cette erreur pérît avec lui, et que les peuples demeurassent dans la paix de l’orthodoxie. »