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HISTOIRE

prochaine la venue de législateurs qui donneront une attention sérieuse à l’éducation des femmes, aux lois civiles qui les protégent, aux devoirs qui doivent leur être imposés, au bonheur qui peut leur être garanti. Mirabeau demande pour elles une voix légale dans le conseil de famille. Enfin, la Révolution, qui les trouve sans droits, sans éducation rationnelle, souffrant, suivant l’expression de Condorcet, du sentiment d’une injustice éternelle, les anime, les exalte, pousse les unes aux premiers rangs dans l’insurrection des idées, jette les autres dans tous les emportements des passions aveugles.

On voit d’abord, à l’aube de la Révolution, applaudissant aux novateurs, les appelant à elles, les encourageant de leurs sympathies, au milieu d’un cercle brillant dont elles sont les reines, mesdames Helvétius, Necker, de Genlis, de Condorcet ; pendant que, au fond d’une austère retraite, mademoiselle de Lézardières, recueillant les lois de la monarchie française, montre l’esprit féminin capable de prendre une large part dans le travail du siècle, digne par sa maturité et son élévation de ces droits égaux que le préjugé lui refuse encore. L’éloquente Olympe de Gouges paraît alors ; donne aux prétentions de son sexe une formule politique d’une précision hardie qui rejette toute réticence et toute équivoque[1]. Puis vient madame Roland, cette romaine décente et sans faiblesse, qui vit et meurt pour la liberté, et trahit à peine, par une plainte discrète, ce que lui font éprouver de malaise et d’angoisse les préjugés qui pèsent sur son sexe[2]. Après elle, Charlotte Corday, cette autre Romaine du sang de Corneille, donne et reçoit la mort avec le calme antique. Puis enfin, dans tous les rangs, dans les profondeurs mêmes du pays, dans le grand mouvement des fédérations qu’elles animent, dans les tribunes de l’As-

  1. Voir aux Documents historiques, à fin du volume, no 5.
  2. « En vérité, s’écrie-t-elle, dans une lettre à Bancal, je suis bien ennuyée d’être femme ! Il m’eût fallu une autre âme, un autre temps ou un autre sexe ! »