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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

excessive. En beaucoup de lieux on le refuse au cri de : Vive l’Empereur !

Dans le département de la Creuze, où la propriété est extrêmement divisée, une troupe de paysans s’est levée au son du tocsin ; armés de fourches, de faux, de gourdins, de piques et de serpes, ils se sont jetés dans les campagnes, en menaçant de mort les propriétaires qui payeraient l’impôt. À Guéret, un engagement avec la garde nationale a eu lieu ; dix personnes ont été tuées ; cinq sont blessées.

Sur d’autres points de la France, les révoltes éclatent par d’autres motifs. Dans le département de Vaucluse, dans la ville de Saint-Étienne, à Rive-de-Giers, les ouvriers quittent les fabriques et se rassemblent par petits groupes ; ils prennent, sans dire pourquoi, la route de Paris. Dans les départements de l’ouest et du nord, les émissaires du bonapartisme mettent tout en mouvement. Mille bruits absurdes sont colportés dans les fêtes de village, dans les foires, dans les marchés. À Lizieux, à Fécamp, à Chartres, à Saintes, les crieurs de journaux annoncent que Napoléon, proclamé empereur, marche sur Paris à la tête de quarante mille hommes ; dans le Morbihan et le Finistère, où l’opinion penche vers le général Cavaignac, on dit qu’il a été tué et que Bonaparte est nommé président de la République[1]. Dans les Ardennes, on distribue des proclamations et des appels aux armes. À Nîmes, à Toulouse, où les discussions prennent le caractère de querelles religieuses entre catholiques et protestants, on y mêle, sans que personne en comprenne la raison, le cri de : Vive l’Empereur[2] !

Mais toutes ces causes d’alarme, tous ces désordres, ne paraissent rien auprès d’un péril imminent. Toute autre appréhension s’efface, tout autre danger est mis en oubli, devant la calamité des ateliers nationaux, qu’on n’espère plus occuper et qu’on n’ose dissoudre. Cent sept mille

  1. Voir Rapport de la Commission d’enquête, vol. III.
  2. Voir Rapport de la Commission d’enquête, vol. III.