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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

et d’enlever, s’il se pouvait, dans la séance même, un vote favorable.

Comme, en dépit de la loi contre les attroupements, le peuple continuait d’affluer autour du Palais-Bourbon et s’y tenait pendant toute la durée des séances, on convint d’entourer ce jour-là l’Assemblée d’un appareil militaire. La place de la Concorde est couverte de troupes ; on fait avancer du canon. Le général Cavaignac, le général Négrier, le général Tempoure, en grand uniforme, surveillent les dispositions ; le clairon sonne, le tambour bat. Les représentants, pour se rendre à leur poste, passent entre deux haies de soldats ; de fortes patrouilles de gardes nationaux sillonnent les rues ; les grilles du jardin des Tuileries se ferment.

Sur ces entrefaites arrivaient de tous côtés des masses de prolétaires. On leur avait annoncé un événement. Napoléon allait entrer à l’Assemblée suivi d’une brillante escorte, disaient les uns ; toutes les troupes étaient réunies là pour qu’il les passât en revue, disaient les autres, tant l’idée de souveraineté s’attachait aisément au nom de Bonaparte.

Napoléon, fils de Jérôme, ancien roi de Westphalie, que le département de la Corse avait envoyé à l’Assemblée constituante, crut devoir protester à la tribune au nom de son cousin contre les rumeurs de la place publique ; contre ce qu’il appela les mensonges et les insinuations des journaux.

« Vous savez tous, dit-il au commencement de la séance du 12 juin, qu’il existe des partis en France qui repoussent la République. Ils ne se recrutent qu’au sein d’une infime minorité. Ils se composent de ce que la nation a de moins bon, de moins généreux, mais ils existent. Le nom de Bonaparte est un levier, une puissance si l’on veut. Quoi de plus naturel que des gens qui veulent attaquer la République s’arment contre elle de ce nom sous lequel ils cachent de coupables intrigues ? »