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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

déploie et s’avance vers la caserne. Il est six heures du matin. Les officiers ne sont pas arrivés encore. Aladenise fait mettre les soldats en bataille ; il leur annonce que Louis-Philippe a cessé de régner, il leur présente le neveu, quelques-uns disent le fils de l’Empereur.

Pendant que Louis Bonaparte fait des promotions et distribue des croix d’honneur, deux officiers, avertis de ce qui se passe, accourent en toute hâte, le sabre à la main. « On vous trompe, crient-ils aux soldats ; n’écoutez pas les traîtres, vive le roi ! » Le prince s’avance alors et veut se faire reconnaître. Une vive altercation s’élève ; Louis Bonaparte tire à bout portant, au capitaine Col-Puygellier, un coup de pistolet qui va fracasser la mâchoire d’un soldat. À la voix de ses officiers, la troupe, un moment surprise, croise la baïonnette ; les conjurés reculent. Renonçant à séduire les soldats, le prince se dirige vers la ville pour tenter d’entraîner le peuple ; mais déjà l’on entend sonner le tocsin et battre la générale, on voit les portes se fermer. Le sous-préfet et le commandant de place, à la tête de la garde nationale et de la gendarmerie, marchent à la rencontre des conjurés. Ceux-ci se débandent et fuient vers le rivage.

On se jette dans les canots ; le prince essaye de se sauver à la nage ; mais, se voyant ajusté par les gendarmes, il cesse tout mouvement et se laisse prendre. On l’enveloppe dans la capote d’un douanier, on le fait monter dans un omnibus des bains, on le conduit en prison, d’où il est dirigé sur Paris, enfermé à la Conciergerie, traduit devant la Chambre des pairs et finalement condamné à la détention perpétuelle dans une forteresse[1].

L’expédition de Boulogne prêtait encore plus à rire que celle de Strasbourg. On ne s’en fit pas faute.

L’attitude du prince devant la cour des pairs avait paru

  1. 160 voix sur 161, déclarèrent le prince Louis-Napoléon coupable ; 132 prononcèrent la peine de la détention perpétuelle. Il y en eut une qui vota la peine de mort.