Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/284

Cette page a été validée par deux contributeurs.
280
HISTOIRE

rendre la liberté. On n’ignorait pas que Laviron, Flotte et d’autres conjurés étaient restés longtemps en conférence avec lui : le bruit s’accréditait même que les Montagnards et les gardes républicains complotaient un coup de main pour le jour suivant, de concert avec la Société des droits de l’homme.

M. Caussidière, qui se savait compromis et qui se défiait des intentions de plusieurs des membres de la commission exécutive, ne se rendit pas sans hésitation au petit Luxembourg. Son beau-frère, M. Mercier, colonel de la garde républicaine, était persuadé qu’on lui tendait un piége et qu’on les allait tous deux retenir prisonniers ; plusieurs fois, dans le trajet, il exhorta Caussidière à rebrousser chemin. À tout événement, il donnait l’ordre à sa petite escorte de se ranger en bataille sous les fenêtres du Luxembourg, afin qu’au premier signal elle pût courir à la préfecture de police et revenir avec toute la garnison, restée sous les armes, pour enlever de vive force les prisonniers de la commission exécutive.

En arrivant au Luxembourg les appréhensions de M. Mercier redoublent. Il est deux heures après minuit ; comme il entrait dans la salle d’attente, il voit passer le colonel Saisset, chef d’état-major de la garde nationale, que l’on conduit en prison ; un secrétaire de M. Ledru-Rollin, qui sort du conseil, sans s’arrêter, sans oser même regarder M. Mercier, lui glisse à l’oreille qu’on va l’envoyer à Vincennes.

M. Mercier s’approche d’une fenêtre et tire son mouchoir ; il va l’agiter, c’est le signal convenu avec ses Montagnards ; mais, au même moment, la porte s’ouvre. Il est introduit devant la commission exécutive pour y subir un interrogatoire ; Caussidière y était déjà depuis quelques minutes ; à la grande surprise de Mercier, il entend son beau-frère refuser obstinément de donner sa démission, que MM. Marie et Garnier-Pagès lui demandent avec instance ; Caussidière est loin, d’ailleurs, de parler le langage d’un prévenu. La