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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

avec force. M. Louis Blanc tient tête à l’orage, mais les violences passent toutes les bornes. Alors, voyant que l’Assemblée est résolue à ne pas l’entendre et que le président renonce à lui maintenir son droit, M. Louis Blanc descend de la tribune et va se rasseoir à sa place, où le suivent les regards courroucés de ses collègues.

Cependant M. Landrin, procureur de la République, vient demander à l’Assemblée d’étendre à M. Albert l’autorisation de poursuite, déjà accordée pour MM. Barbès et Courtais. Malgré les représentations de M. Flocon, qui supplie les représentants de ne pas débuter dans la carrière d’action et de réaction des partis, ils votent, à la presque unanimité, l’autorisation demandée. Puis on décrète, par acclamation, que la garde nationale, la troupe de ligne et la garde mobile ont bien mérité de la patrie.

Ainsi se termine cette journée déplorable.

J’ai dit qu’on l’avait comparée, dans tous les journaux du temps, à la journée du 1er prairial an III ; mais cette comparaison n’est que superficielle, et on doit l’attribuer beaucoup moins à des analogies sérieuses entre les hommes et les circonstances qu’à la manie générale, depuis le 24 février, de tout rapporter à notre première révolution. Chacun, les hommes politiques aussi bien que les écrivains, se prêtait volontiers à un rapprochement qui paraissait grandir l’importance des uns et faisait valoir l’érudition des autres. M. Ledru-Rollin aimait à s’entendre appeler Danton ; M. Louis Blanc ne haïssait pas les allusions à Robespierre ; M. de Lamartine, en parlant de Vergniaud, ne pensait évidemment qu’à lui-même ; les oisifs, pour animer les conversations, faisaient de Raspail un Marat, et de l’auteur de Valentine une Théroigne.

Dans le récit que fait M. Proudhon de l’événement du 15 mai, il raille impitoyablement cette manie : « Une masse confuse apporte une pétition à l’Assemblée, dit-il : souvenir de 1793. Les chefs du mouvement s’emparent de la tribune et proposent un décret : souvenir de prairial.