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HISTOIRE

mal défendue par les factieux, est reprise par un bataillon de la 6e légion ; ce bataillon monte le grand escalier au pas de charge ; le gouvernement provisoire est déjà dispersé ; le petit nombre d’insurgés qui reste encore prend la fuite. Cette incroyable mêlée n’a pas duré en tout plus d’une heure.

Depuis le moment où la colonne populaire franchissait le pont de la Concorde et enveloppait le palais législatif, Paris était demeuré livré aux conjectures. Pendant les longues heures qui s’écoulèrent jusqu’à la reprise de la séance, aucune nouvelle certaine n’apprit à la population ni la nature du danger qu’elle courait, ni son étendue. Les bruits les plus faux se propageaient avec une surprenante rapidité et trouvaient créance. Le jardin des Tuileries en était le centre. Au milieu des femmes et des enfants qui jouaient ou se reposaient à l’ombre des marronniers, on voyait passer des hommes en blouse qui proclamaient le nouveau gouvernement établi à l’Hôtel de Ville ; un orateur improvisé expliquait à son auditoire pourquoi la commission exécutive était renversée ; un autre accusait l’Assemblée de tout le mal ; un troisième s’attendrissait en parlant de la Pologne. Des gardes nationaux effarés couraient dans différentes directions le fusil en main, s’écriant que Barbès, maître de l’Hôtel de Ville, venait de décréter deux heures de pillage. On s’abordait sans se connaître, on s’interrogeait, on se donnait des démentis. À sept heures seulement on apprit tout à la fois le triomphe momentané de l’émeute et sa défaite définitive. À la consternation, à la frayeur, succéda aussitôt une violente explosion de colère. Les gardes nationaux parcourent la ville et se répandent en menaces. Dans l’excès de leur zèle, ils voulaient tout arrêter : « À bas les assassins sans armes ! » criaient-ils à l’Hôtel de Ville ; ils se précipitent maintenant sans mandat, sans commissaire de police, dans la maison de Sobrier, qu’ils saccagent ; chez la mère de Blanqui, chez Raspail, chez Cabet ; dans une salle du passage Molière, louée par la