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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

Sur un signe de l’officier, les gardes nationaux entrés à sa suite s’emparent de Barbès et d’Albert, et les conduisent à M. Edmond Adam, qui les fait garder à vue dans une salle voisine. On commence immédiatement des perquisitions ; beaucoup de personnes sont arrêtées, le plus grand nombre s’évade ; plusieurs, dans le pêle-mêle général, profitent de ce qu’ils portent l’uniforme de la garde nationale pour passer de l’émeute dans la répression, et simulent un grand zèle. Les mêmes hommes qui ont poussé Barbès à l’Hôtel de Ville, crient : « Mort à Barbès ! » Il règne, depuis une heure, une confusion, un désordre qui favorise ces changements à vue.

Les deux gouvernements, l’un régulier, l’autre révolutionnaire, ont fonctionné simultanément à l’Hôtel de Ville. Les insurgés, qui sont montés par l’escalier du milieu, ont pris à droite, tandis que M. Marrast et son adjoint restaient dans les bureaux situés à gauche. Dans l’espace qui sépare les deux gouvernements se pressent une foule de gens qui, ne connaissant pas les lieux, s’égarent, se trompent ; tel croyant rejoindre Barbès se trouve en présence de Marrast ; tel autre qui venait offrir ses services à la mairie de Paris se voit emporter par le flot au milieu du gouvernement provisoire de l’émeute.

Il ne manquait pas non plus, entre ces anciens conspirateurs, d’amis communs qui allaient de l’un à l’autre porter des paroles de conciliation. Plusieurs fois, M. Marrast lui-même, qui a donné l’ordre au général Foucher de cerner l’Hôtel de Ville, et qui a fait prévenir les colonels des légions, envoie vers M. Barbès son secrétaire Daviau, pour l’avertir qu’il est perdu s’il ne se dérobe au plus vite.

Une heure s’est écoulée de la sorte, lorsqu’on entend rouler sur la place l’artillerie de la garde nationale. Ce sont les généraux Foucher et Bedeau qui arrivent d’un côté, à la tête d’une colonne de troupes, tandis que MM. de Lamartine, Ledru-Rollin et Clément Thomas paraissent de l’autre. La place est occupée, l’Hôtel de Ville cerné. La grille, très-