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HISTOIRE

À peine la salle est-elle évacuée que beaucoup de représentants, qui ne s’étaient pas éloignés, y rentrent. Le ministre des finances monte à la tribune et prononce avec solennité ces paroles : « Au nom de l’Assemblée nationale qui n’est pas dissoute ; au nom du peuple français qu’une minorité infime et infâme ne déshonorera pas, l’Assemblée nationale reprend ses travaux. » Un immense applaudissement lui répond ; la séance est reprise aux cris de : Vive la République !

Le général Courtais, en grand uniforme, se montre à l’entrée de la salle ; le désordre de ses pensées est visible sur son front et dans toute sa personne. Depuis l’envahissement de l’Assemblée, ne sachant que vouloir, que devenir, haranguant le peuple sans pouvoir se faire entendre, balbutiant à la garde nationale des ordres et des contre-ordres qui ne sont point obéis, il a erré de tous côtés, en proie à un trouble extrême. Il vient en dernier lieu de l’hôtel de la Présidence, où il est allé demander avis à Lamartine ; et bien que celui-ci lui ait conseillé de se mettre à la tête des troupes, il continue d’aller et de venir au hasard sans se résoudre à rien et finit par rentrer machinalement dans l’Assemblée. Voyant quelle a repris sa séance, il donne machinalement encore aux gardes nationaux de la 2e légion, qui ont suivi de près la garde mobile, l’ordre de se retirer ; mais des cris violents éclatent : « À bas Courtais ! il nous a trahis ! À bas le traître ! » On se jette sur lui ; on lui arrache son épée, ses épaulettes ; on lui fait subir mille outrages. Heureusement, plusieurs représentants s’interposent ; MM. de Fitz-James, Flocon, Vieillard le tirent des mains de ces furieux et le font entrer dans la salle de la Bibliothèque où il reste gardé à vue.

Dans le même temps, M. Clément Thomas, colonel de la 2e légion, annonce, aux applaudissements de toute l’Assemblée, qu’il vient d’être investi par la commission exécutive du commandement général de la garde nationale de Paris. Sur l’invitation du président, les gardes nationaux