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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

pressement. Dans la salle du trône, sur une console dont on fit un autel, l’archevêque de Paris vint, en grande pompe, offrir le sacrifice de la messe. À l’aide de paravents, on établit des confessionnaux ; et, comme un grand nombre de blessés recevaient les soins de femmes avec lesquelles ils entretenaient des relations non consacrées par l’Église, comme beaucoup d’entre eux n’avaient jamais approché des sacrements, on célébra des mariages, on donna la première communion. Il arriva même que l’on eut à administrer le baptême en même temps que l’extrême-onction à ces prolétaires restés indifférents jusque-là aux enseignements de la religion catholique.

Pour que rien ne manquât au spectacle étourdissant de cette mêlée révolutionnaire, pendant que le clergé officiait dans la salle du trône, une partie des hommes qui avaient formé les postes de surveillance et qui avaient empêché bien des dégâts, se relâchaient de leur première discipline et se mettaient à faire bombance dans les caves et les cuisines royales. C’étaient pour la plupart des gens exerçant les professions les plus basses, modèles académiques, escamoteurs, vendeurs de contre-marques, etc. On peut se figurer l’éblouissement de ces hommes de misère, quand ils se virent dans ce palais splendide, convives d’un festin préparé pour des princes, libres de troquer leurs haillons contre le brocart et la soie et de reposer l’ivresse des vins exquis sur les lits et les divans des princesses royales ! Afin de rendre la fête plus complète, ils appelèrent dans le palais des filles de joie.

Bientôt le bruit courut qu’ils prétendaient y perpétuer leurs saturnales. Comme on entendait parfois la nuit des détonations mystérieuses dans la cour ou dans le jardin, on crut qu’ils commettaient des crimes affreux ; on leur prêta mille projets sinistres. Le préfet de police pensa qu’il y allait de son honneur de mettre fin à un état de choses aussi irrégulier, et qu’il suffirait pour cela d’envoyer l’un de ses chefs montagnards à la tête d’une compagnie, avec l’ordre