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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

vous nous faites de belles phrases ; il faut autre chose au peuple que des phrases ; il veut aller lui-même à l’Assemblée nationale lui signifier ses volontés. »

Les bras croisés sur sa poitrine, M. de Lamartine écoutait ces propos d’un air grave et profondément triste. Son attitude pleine de noblesse, l’accent de sa voix faite pour le commandement, imposent à ces hommes égarés par la passion, mais bien intentionnés dans leur folie.

« Citoyen Lamartine, reprend Laviron, mais cette fois avec un ton de déférence très-marqué, nous vous admirons tous comme poëte ; mais vous n’avez pas notre confiance comme homme d’État. Par vos hésitations, par vos moyens dilatoires, vous perdez la Pologne. »

Pendant ce colloque, un certain nombre de personnes s’étant approchées. « Malheureux ! s’écrie une voix partie de la foule, et qui s’adressait aux clubistes, que faites-vous ? Vous faites reculer la liberté de plus d’un siècle ! »

N’espérant plus rien gagner sur des hommes visiblement hors de sens, M. de Lamartine va reprendre sa place dans l’enceinte de l’Assemblée. La chaleur était devenue suffocante ; un soleil ardent frappait sur les vitres ; la poussière des tapis, soulevée par les pas de la multitude, l’odeur des foules, y faisaient une atmosphère insupportable. La rumeur allait toujours croissant ; la confusion était inouïe ; il devenait impossible de discerner une volonté dans tout ce tumulte, de deviner une intention dans tout ce désordre.

MM. Ledru-Rollin, Clément Thomas, Barbès, tous trois ensemble à la tribune, essayent vainement de se faire écouter. M. Louis Blanc y paraît à son tour, sans plus de résultat. Enfin, M. Buchez, voyant l’inutilité de tant d’efforts, s’adresse à M. Raspail, qui se tient au pied de la tribune, sa pétition à la main : « Venez à notre aide, lui dit-il, lisez la pétition, et faites ensuite retirer cette foule. » M. Raspail obéit. Le président agite sa sonnette, mais le bruit redouble. « Qui donc écouterez-vous, s’écrie M. Antony Thouret, si vous n’écoutez pas Raspail ? » À ce nom, plusieurs repré-