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HISTOIRE

habits, des femmes d’une mise recherchée et qui n’étaient pas du peuple, excitaient par leurs discours à la révolte. Le tumulte avait pris là le caractère d’une sédition. À peine la grille est-elle entr’ouverte que la foule se précipite, force le passage, renverse le général Courtais qui, monté sur l’entablement, essayait encore de la contenir, et se répand dans les cours. Le petit nombre de gardes nationaux qui s’y trouvent courent aux armes ; on amène des chevaux aux officiers d’ordonnance ; on va et vient effaré ; tout le monde crie à la fois ; personne ne donne d’ordre.

Cependant, les premiers qui ont forcé la grille, se poussant au hasard par les vestibules, sont entrés dans une salle sans issue. Là, ils commencent à briser les glaces, à fracasser les meubles. Le commandant du palais, M. Châteaurenaud, se présente à la porte et demande, de la part du président, les vingt-cinq délégués porteurs de la pétition. Plusieurs représentants, reconnaissant M. Raspail, que le flot populaire a poussé là, l’invitent à entrer dans l’Assemblée. Au même instant, M. de Lamartine, qui était allé avec M. Ledru-Rollin au haut du péristyle pour haranguer la foule, voyant de ce côté ses efforts complétement infructueux, revenait vers la porte de la salle dite des Pas perdus, afin de tenter, puisqu’il n’avait pu empêcher l’invasion du palais, de l’arrêter du moins avant qu’elle eût violé l’enceinte de la représentation nationale. Aussitôt entré dans la salle des Pas perdus, il est entouré par un groupe de clubistes. Le représentant Albert est avec eux. « Vous ne passerez pas, leur dit M. de Lamartine, vous n’entrerez pas à l’Assemblée !

— Citoyen Lamartine, lui dit Laviron, nous venons lire une pétition à l’Assemblée en faveur de la Pologne nous voulons un vote immédiat, ou sinon…

— Vous ne passerez pas ! répète M. de Lamartine, avec hauteur.

— De quel droit nous empêcheriez-vous de passer ? s’écrie Laviron ; nous sommes le peuple. Il y a assez longtemps que