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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

ternes usurpent aisément les principaux rôles et précipitent le peuple, sans qu’il le veuille, sans même qu’il le sache, dans des actes contraires à sa moralité et funestes à ses intérêts véritables.

À entendre les explications contradictoires des partis, qui ne s’inquiètent guère de la vérité historique, la journée du 15 mai fut, selon les uns, un vaste complot ourdi par MM. Barbès, Louis Blanc, Caussidière, avec l’assentiment de M. Ledru-Rollin et la tolérance de M. de Lamartine, pour renverser l’Assemblée et remettre le gouvernement du pays à une dictature révolutionnaire ; selon les autres, cette prétendue émeute ne fut qu’une ignoble machination de police, un piége tendu aux démocrates socialistes pour se défaire des principaux d’entre eux[1] : dans cette dernière hypothèse, l’invention du piége est attribuée tantôt à M. Marrast, tantôt à M. Buchez, tantôt encore à M. de Lamartine.

De chacune de ces explications si opposées, on peut tirer, selon moi, une parcelle de vérité.

M. Barbès, qui s’était refusé à voter que le gouvernement provisoire avait bien mérité de la patrie ; MM. Louis Blanc et Albert, qui s’étaient vus exclus de la commission exécutive, et à qui l’on refusait la création d’un ministère du travail ; M. Pierre Leroux, qui avait conseillé au gouvernement provisoire de casser les élections et de refaire la loi électorale, formaient dans Paris et dans l’Assemblée même, un parti également hostile au pouvoir exécutif et au pouvoir législatif, et qui, favorable en principe à l’intervention directe du peuple dans les affaires politiques, l’approuvait ou la désapprouvait uniquement selon qu’elle avait ou non des chances propices.

  1. Voir, entre autres, au Procès de Bourges, la défense de M. Raspail qui appelle la journée du 15 mai : « Un vaste coup de filet jeté dans le bourbier de l’Hôtel de Ville, pour prendre certains hommes, dont la droiture et la probité étaient aussi à craindre que leur dévouement à la République. »

    C’était là également l’opinion de MM. Pierre Leroux et Cabet.