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HISTOIRE

ral Changarnier causait aussi au gouvernement provisoire assez d’ennui. Le désir très-vif qu’exprimait le général de rester à Paris, son attitude, son langage hautain, montraient qu’il aspirait à jouer un rôle : celui de chef de la réaction s’offrait naturellement. Si cette réaction serait légitimiste ou orléaniste, on ne le pouvait deviner encore ; les partis royalistes n’en étaient pas venus à ce point d’oser se démasquer et de se ranger sous leurs drapeaux particuliers ; ils se confondaient alors sous le titre commun de parti de l’ordre, et ne visaient qu’à prendre dans l’Assemblée nationale une bonne position défensive. Quoi qu’il en fût, le ministre de la guerre donna l’ordre au général Changarnier de partir, dans les vingt-quatre heures, pour aller remplacer en Algérie le général Cavaignac, qui, blessé au vif de l’arrivée d’un commissaire de M. Ledru-Rollin revêtu de pouvoirs extraordinaires, venait de demander un congé.

Ce fut dans cette confusion extrême de pensées et de sentiments, dans cette absence complète de toute direction politique ou sociale, que parut enfin le jour désigné pour la fête de la Fraternité. Le temps était nébuleux, l’air tiède. Paris était plongé dans cette vague atmosphère qui lui est propre, et qui atténue parfois si heureusement, en les enveloppant d’un voile, les contrastes trop accentués de la vieille cité et de la ville moderne. Les masses d’arbres des Champs-Élysées, du Champ de Mars et des Tuileries, l’Obélisque et les colonnades de la place de la Concorde, les palais des Invalides et de l’École militaire, se dégageant tour à tour, selon qu’un rayon de soleil venait à les toucher à travers la brume, semblaient, comme à la voix d’un artiste, disposer, coordonner peu à peu la décoration d’une fête majestueuse. Dès le matin, une population avide de tout voir affluait dans les rues. Deux cent mille hommes environ, gardes nationaux, gardes mobiles, troupes

    tine et Crémieux engagèrent M. Caussidière à détruire le mandat d’arrestation lancé contre M. Blanqui.