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HISTOIRE

club de M. Blanqui et à la maison de M. Cabet dans l’intention de mettre la main sur les deux chefs de parti[1]. Le langage des journaux conservateurs prenait un ton d’insolence extrême. L’accusation de communisme devenait l’occasion et le prétexte des calomnies les plus odieuses[2]. On représenta le Luxembourg comme un lieu de délices, où les plaisirs les plus raffinés et les festins les plus dispendieux rassemblaient chaque jour les sybarites du prolétariat[3]. Sous cette rubrique : Nouvelles de la Cour, le Constitutionnel et l’Assemblée nationale racontaient des orgies à Trianon, qui n’avaient jamais existé. Selon ces chroniques scandaleuses, M. Ledru-Rollin faisait à une célèbre actrice des présents de roi ; des sommes immenses étaient détournées du Trésor et passaient en Angleterre ; M. Crémieux

  1. Une foule furieuse promena un cercueil sous les fenêtres de M. Cabet. M. de Lamartine, apprenant qu’il était sérieusement menacé, lui offrit un asile dans sa maison.
  2. « Les préventions que l’administration, du 24 février au 11 mai, a fait naître dans l’esprit sont si profondes et si enracinées que l’opinion a accueilli avec une sorte d’avidité furieuse toutes les insinuations qui devaient l’égarer, » dit le Rapport de la commission chargée de l’examen des comptes du gouvernement provisoire. (Moniteur du 26 avril 1849.)
  3. Il serait fastidieux et aujourd’hui heureusement superflu de répéter une à une ces ignobles calomnies. L’administration du Palais-National et du Luxembourg a prouvé, pièces en main, que la dépense de table du président et du vice-président de la commission était, pendant le premier mois, fixée à six francs par tête ; mais, que sur une réclamation de M. Louis Blanc, qui trouvait la nourriture trop abondante, les repas, fournis par un restaurant du quartier, restèrent fixés à la somme de 2 fr. 50 par tête, pour le déjeuner, et de 3 fr. 50 pour le dîner. (Voir le Constitutionnel, no du 2 juin 1848.) Pendant que le Constitutionnel et l’Assemblée nationale parlaient de faisans à la purée d’ananas, que l’on servait à la table du Luxembourg, M. Garnier-Pagès, mieux informé, reprochait à son jeune collègue une affectation Spartiate qui, disait-il, déversait un blâme indirect sur les membres du gouvernement provisoire, dont les frais de représentation étaient de toute nécessité plus considérables. Il est à remarquer que M. Louis Blanc et M. Dupont de l’Eure, seuls entre tous les membres du gouvernement provisoire, ne touchèrent pas d’appointements personnels. Les délégués du Luxembourg, pendant toute la durée des conférences, ne touchèrent pas non plus une obole.